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VOYAGE DE DEUX SEOULITES A LHASSA*
Peu de voyageurs visitent le Tibet sans être frappés par la religiosité ambiante des lieux, surtout à Lhassa.
Om Mani Padme om |
Nous avons choisi de nous y rendre en voyageant par le plus haut chemin de fer au monde, un trajet époustouflant de beauté qui dure 24 heures depuis la ville chinoise de Xining, et qui passe par le col de Tanggula à 5072m. Arrivés tard le soir, nous avons été accueillis à Lhassa par notre guide qui nous attendait avec des khatag, ces écharpes cérémoniales de soie blanche qu’il est courant d’offrir au Tibet en signe de bienvenue. Un court trajet depuis la gare nous a ensuite menés à notre hôtel où nous avons à nouveau reçu des khatag. Déjà sensibilisés au bouddhisme tibétain par notre séjour en Mongolie au début du même mois, nous nous sommes rapidement rendus compte de l’importance de la religion dans la vie tibétaine de tous les jours.
Lhassa veut dire littéralement « La demeure des dieux » et trois lieux religieux sont très importants à Lhassa : le Barkhor, le palais-forteresse Potala, et le temple de Jokhang. Ce dernier est le centre spirituel de Lhassa, le temple le plus important du bouddhisme tibétain.
Potala depuis le Jokhang |
Pénétrer dans le Jokhang est une expérience inoubliable. A l’extérieur on est confronté aux pèlerins qui effectuent des milliers de prosternations rituelles en se jetant à plat ventre, se relevant puis en recommençant à l'endroit où leurs mains ou leur front ont touché le sol. Beaucoup portent des tabliers en cuir et des genouillères taillées dans des pneus. Dans les mains ils ont placé des planches de bois afin de se laisser glisser plus facilement sans s’écorcher, mais on reconnait ceux qui sont venus de très loin par les marques qu’ils portent sur le front (il est estimé qu’il faut effectuer environ 70 000 prosternations successives pour parcourir cent kilomètres !). A l’intérieur du temple on est toute de suite assailli par l’acre parfum des lampes au beurre de yak qui brulent en exhalant une odeur rance, très caractéristique et indissociable des temples tibétains. Les murs sont noircis par la fumée de ces lampes depuis des siècles, mais on arrive à y distinguer des représentations des féroces « dieux courroucés » aux yeux exorbités qui avaient déjà commencé à hanter notre sommeil depuis la Mongolie. Dans le temple, où il faut circuler dans le sens des aiguilles d'une montre, nos compagnons sont des vieilles dames tibétaines qui marchent en tournant constamment un moulin à prière. D’ailleurs dans la rue on croise fréquemment/couramment des tibétains de tous âges qui marchent en tenant un moulin dans une main et un enfant ou un sachet de courses dans l’autre main. Actionner un de ces « mani korlo » aurait la même valeur spirituelle que de réciter la prière du mantra, la prière étant censée se répandre ainsi dans les airs comme si elle était prononcée.
Ce haut lieu saint est entouré par le Barkhor, un entrelacement de rues étroites à proximité du temple, et le lieu de circumambulation bouddhiste le plus populaire pour les pèlerins et les habitants de Lhassa. Toutefois d’autres parcours de circumambulation existent à Lhassa, et il est assez courant pour un fidèle de se lever une heure plus tôt le matin afin d’effectuer un ou plusieurs circuits avant d’aller travailler. Un peu plus loin se trouve le dzong Potala : le lieu de résidence principal des dalaï-lamas successifs jusqu’en 1959. Il est composé du palais blanc qui était autrefois affecté à la résidence du dalaï-lama, et le palais rouge, qui était entièrement voué à l'étude religieuse et aux prières.
Le touriste au Tibet visite peu de lieux qui ne sont pas en rapport avec la religion (la réglementation officielle rend difficile la création de ses propres circuits, surtout en dehors de Lhassa). Nous avons vu les monastères de Sera et Drepung, deux des trois grandes universités monastiques Gelugpa, près de Lhassa, et en route pour le camp de base du Mont Everest nous nous sommes arrêtés à Shigatse pour voir le monastère Tashilhunpo, siège traditionnel du Panchen Lama (deuxième plus haut chef spirituel de l’école de bouddhisme tibétain Gelugpa), et à Gyantse – où se trouve le plus grand chorten (stupa tibétain) du Tibet.
Un de nos souvenirs le plus mémorables se situe juste après une marche jusqu’au au pied du mont Everest qui est connu au Tibet sous le nom Qomolangma (« Déesse mère des vents »).
Mont Everest |
Nous avons pu faire une visite privée du monastère Nyingmapa à Rongphu, le plus haut monastère au monde (5100m d’altitude) qui est coupé du monde de décembre à mars. Isolé et battu par les vents, ce lieu semble recevoir peu de visiteurs, ce qui rendait notre visite d’autant plus intéressante {pour nous}. Près des sommets avoisinants volaient des vautours qui nous rappelaient l’existence - jamais lointaine - de la coutume tibétaine d’enterrement céleste. Pratiquée depuis plus de mille ans cette forme d’enterrement est la préférée de la plupart des tibétains : le cadavre est laissé aux "aigles saints" après avoir été préparé par un religieux spécialement formé. Interdite par les Chinois, qui la considéraient comme barbare, dans les années 1970-80 cette coutume a depuis été restaurée. Pour les tibétains le corps n’est rien, seul l’esprit compte et il quitte le corps au moment du décès.
monastère de Rongphu |
Lectures conseillés :
*Toutes mes excuses à l’exploratrice Alexandra David-Neel, première femme occidentale à séjourner au Tibet en 1924, et auteur de «Voyage d'une Parisienne à Lhassa : A pied et en mendiant de la Chine à l'Inde à travers le Tibet», Éditions Pocket, 2004
«L'Axe du loup » de Sylvain Tesson, Éditions Pocket, 2007
En anglais :
«Running a Hotel on the Roof of the World: Five Years in Tibet» de Alec Le Sueur, Editions Summersdale, 1998
cercle de la vie du bouddhisme tibétain |
Précédé au Tibet par la religion Bön, le bouddhisme est arrive au Tibet au 7eme siècle. Le bouddhisme tibétain contemporain est composé de quatre grandes écoles : Kagyupa, Gelugpa, Nyingmapa, Sakyapa. Bien que le dalaï-lama soit un moine de l'école des Gelugpas, il est reconnu par les autres écoles comme chef spirituel, non seulement au Tibet mais aussi dans les pays ayant adopté ces traditions. Les Gelugpas sont parfois appelés (de façon un peu réductrice) « les bonnets jaunes », les autres lignées portant des bonnets rouges.
Cet article a été d'abord publié dans le Petit Echotier, la revue de l'AFC (Association des Francophones en Corée).
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